A l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, nous sommes partis à la rencontre du Dr Sarah Tebeka, psychiatre spécialisée en psychiatrie périnatale, à l’hôpital Louis-Mourier AP-HP !
« Je suis arrivée en 2016 en tant que chef de clinique à l’hôpital Louis-Mourier. Je coordonne l’ensemble des soins psychiatriques périnataux en partenariat avec les services de la maternité et de la néonatologie. J’occupe un poste de maître de conférences à l’université Paris-Cité .
La journée mondiale de santé mentale est importante afin de rendre visible et déstigmatiser la santé mentale et plus généralement la psychiatrie. Les derniers chiffres français font état qu’à 2 mois du post-partum, 1 femme sur 6 présente une dépression, 1 femme sur 4 est en état d’anxiété pathologique et 1 femme sur 20 a des idées suicidaires. Une enquête sur la mortalité maternelle a récemment montré que le suicide est la première cause de mortalité maternelle en France. C’est un enjeu fondamental de se préoccuper de ces femmes qui vont mal en période périnatale.
Près de la moitié des dépressions périnatales ne sont pas dépistées. Plusieurs causes expliquent cela : la peur de la stigmatisation, la culpabilité des femmes de se sentir mal alors que la société attend d’elles qu’elles soient heureuses et épanouies, la banalisation des symptômes, les difficultés d’accès aux soins psychiatriques ainsi que le manque de formation et d’information des patientes, de leurs proches mais également des professionnels de santé.
La dépression périnatale se manifeste principalement par un sentiment de tristesse et du manque de plaisir qui persiste dans le temps. C’est une maladie multifactorielle : la précarité, le manque de support social, les violences infantiles ou conjugales, les difficultés pendant la grossesse, un accouchement compliqué, etc. Les antécédents psychiatriques de la patiente mais également de sa mère sont aussi un facteur majeur de risque de faire une dépression périnatale.
Depuis 2020, on a instauré, en partenariat avec la maternité, un dépistage systématique de la dépression périnatale pour l’ensemble des patientes en suite de couches. Les sages-femmes leur transmettent nos coordonnées et leur proposent un questionnaire de dépistage de la dépression périnatale. En fonction du score, elles appellent les psychologues de la maternité ou les psychiatres spécialisés en périnatalité. Il y a eu un effort de formation auprès de l’ensemble du personnel de la maternité depuis le début du Covid 19. Face à la souffrance des patientes pendant cette période particulière, les sages-femmes ont voulu améliorer leurs connaissances en termes de dépistage et prise en charge de la santé mentale périnatale. C’est ainsi que ce protocole est né, dans le cadre d’un partenariat fort et ancien entre nos deux services.
Notre équipe prend à la fois en charge des patientes ayant accouché à Louis-Mourier mais aussi des patientes vivant dans la boucle Nord des Hauts-de-Seine (92).
La psychiatrie périnatale à Louis-Mourier s’articule autour de 4 activités :
- Les consultations en pré et post-partum, voire même avant la grossesse : en 2023, on a compté 750 consultations réalisées auprès de 250 femmes qui peuvent perdurer jusqu’au 1 an de l’enfant
- L’activité de liaison à la maternité et en néonatalogie
- L’hospitalisation en psychiatrie, grâce à des lits dédiés aux femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher
- L’équipe mobile de psychiatrie périnatale : composée d’une médecin, un interne, une psychomotricienne, une psychologue et d’une puéricultrice, l’équipe propose des consultations à la fois au sein de la maternité mais aussi au domicile ou encore au sein des pouponnières, PMI, etc.
A l’avenir, on voudrait créer un centre de référence pour l’Ile-de-France en psychiatrie périnatale afin d’être un recours pour les autres hôpitaux de la région à travers des réunions de concertation pluridisciplinaire bimensuelles. »