Les MICI, qu’est-ce que c’est ? – Explications du Dr Sylvie Rajca et du Dr Davide Giovinazzo !
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Les MICI, qu’est-ce que c’est ? – Explications du Dr Sylvie Rajca et du Dr Davide Giovinazzo !
25/05/2023
A l’occasion de la journée mondiale des MICI (Maladies Inflammatoires Chroniques de l’intestin), nous vous proposons une interview croisée du Dr Sylvie Rajca, Gastro-entérologue et hépatologue depuis 2014 à l’hôpital Louis-Mourier et du Dr Davide Giovinazzo, Chirurgien digestif et viscéral depuis 2016 à Louis-Mourier.
Tout d’abord, pourriez-vous nous expliquer ce que sont les MICI ?
SR : « Les MICI créent une inflammation intestinale. Il y a deux types de maladies inflammatoires : la rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn (MC). Elles ne touchent pas les mêmes parties de l’intestin. Pour la RCH, cela va toucher uniquement le colon alors que la MC a la possibilité de toucher l’ensemble du tube digestif jusqu’à l’anus. On a besoin de mettre en place des traitements pour contrôler cette inflammation. La différence entre les deux maladies est que la MC ne se guérit pas. »
Quels sont les symptômes ?
SR : « Le symptôme le plus fréquent est la diarrhée. Dans la RCH, il y a souvent du sang et des glaires qui sont émis au niveau digestif ainsi que des douleurs abdominales et de la fatigue. Il y a parfois des symptômes qui touchent d’autres organes que l’intestin comme des douleurs articulaires, des problèmes de peau ou aux yeux. »
Est-ce qu’il y a des facteurs déclenchants ou aggravants ?
DG : « Le tabac est un facteur de risque déclenchant et aggravant de la MC.»
SR : « Dans le cas de la MC, si le patient n’arrête pas de fumer et qu’on opère tout de même, il risque de récidiver de sa maladie. Le tabac est un véritable combat ! »
DG : « Nous demandons aux patients d’arrêter de fumer au moins 2 mois avant leur opération car fumer entraîne des problèmes de cicatrisation et augmente les risques de complications post-opératoires comme les fistules anastomotiques. »
Existe-t-il un profil type de personnes atteintes de MICI ?
SR : « Il s’agit d’une maladie qui se déclenche à un moment donné, sans qu’on ne sache vraiment pourquoi. Cela peut se déclencher à tout âge mais on observe généralement 2 pics : entre 20 et 30 ans et après 70 ans. Il y a légèrement plus de femmes touchées que d’hommes. Il y a certainement des facteurs sociaux et environnementaux à l’origine de l’apparition de cette maladie. L’alimentation joue probablement un rôle mais les études ne sont pas encore suffisamment abouties pour avoir des réponses précises. Il y a également une part de génétique. Quand les parents en sont atteints, l’enfant a davantage de risque de l’être. En France, on compte environ 100 000 individus atteints de MC et 80 000 de RCH. C’est un chiffre en constante évolution : en 10 ans, on a doublé le nombre de patients atteints de MICI. »
Comment se déroule le diagnostic des MICI ?
SR : « Pour la plupart des personnes, le diagnostic se fait lors des consultations. On leur prescrit un bilan biologique, des analyses de selles ainsi qu’un bilan endoscopique avec une fibroscopie et une coloscopie. L’ensemble de ces examens permettra d’identifier la présence (ou non) d’une RCH ou d’une MC. »
DG : « Parfois, certains patients viennent en consultations avec un autre problème comme un abcès anal ou une fistule. Si le patient est âgé d’environ 20 ans, on pense tout de suite à dépister une MC. On prescrit une prise de sang afin de vérifier s’il a des carences nutritionnelles ainsi qu’un bilan endoscopique, voire une IRM dans certains cas. »
SR : « On a aussi certains patients qui ont très peu de symptômes et qui ont uniquement une carence en fer, par exemple. C’est pour cela qu’on commence systématiquement par une prise de sang pour dépister la maladie. Il arrive aussi que certains patients arrivent aux urgences avec une colite grave. Cela peut être le signe d’une RCH. »
Comment se soignent les MICI ?
SR : « D’un point de vue médical, on a la chance depuis quelques années d’avoir de plus en plus d’armes thérapeutiques. Il y a des traitements simples qui se prennent par la bouche comme les « 5-ASA » qui sont des aminosalicylés. Cela fonctionne très bien pour la RCH. On a aussi les corticoïdes qu’on peut utiliser dans les moments de crise de la maladie. Ce qui a révolutionné la prise en charge des MICI, ce sont les immunosuppresseurs : ce sont des traitements qui baissent les défenses immunitaires mais qui évitent les poussées d’inflammation. Ils permettent aux patients d’avoir une qualité de vie normale. »
DG : « Malheureusement, il arrive que les traitements médicaux ne suffisent plus ou que la maladie soit prise en charge trop tardivement et que les dégâts soient trop importants. Dans ces cas-là, les gastro-entérologues nous adressent les patients pour qu’on passe à l’étape chirurgicale. Nous avons aussi des cas d’urgence de RCH où la chirurgie est la seule option pour leur sauver la vie. Cela peut arriver dans le cas d’une patiente qui arrive aux urgences avec une colite grave et qui est résistante aux médicaments. Si la patiente se déglobulise, on doit intervenir en urgence en retirant son colon (voire le rectum) et mettre une stomie.La MC ne se guérit pas. On peut réséquer les parties très atteintes de l’intestin. Mais, on doit faire attention à ne pas trop réséquer car sinon cela affectera la qualité de vie du patient. Dans certains cas très graves, on doit procéder à la mise en place d’une stomie définitive, mais cela reste rare.
Pour les manifestations d’abcès ano-périnéales liés à la MC, on fait des drainages des fistules. Il y a une vraie collaboration entre l’équipe chirurgicale qui traite l’infection et l’équipe de gastro-entérologues qui prescrit des médicaments pour calmer l’inflammation afin que cela cicatrice. »
Comment se passe le suivi ?
SR : « En fonction des traitements, les patients peuvent avoir une consultation de suivi tous les 2 ou 3 mois, voire parfois une consultation annuelle quand les patients vont très bien. A l’inverse, certains patients ont des consultations plus rapprochées. On s’adapte en fonction du patient. Ce qui est important quand on traite des maladies inflammatoires, c’est de pouvoir recevoir les patients en urgence quand ils ne vont pas bien. On doit pouvoir répondre à une demande de consultation très rapide pour éviter un passage aux urgences, ainsi que des complications et des hospitalisations inutiles.
Notre objectif est double : permettre au patient d’avoir une qualité de vie normale et éviter que le patient fasse des complications comme des inflammations qui détruiraient son intestin. Le risque à long terme est de développer un cancer du côlon. Notre rôle est de les protéger de ce risque car ils ont 2 fois plus de risques d’être touchés par ce type de cancer qu’une personne qui n’est pas atteinte de MICI. »
Où en est la recherche médicale à propos des MICI ?
SR : « C’est un secteur qui est très dynamique. Il y a énormément d’études et de nouveaux médicaments sont en cours de développement. En tant que médecin, c’est très satisfaisant pour nous. »
Un message à faire passer ?
DG : « Le message qu’on veut surtout faire passer est positif : on a beaucoup avancé dans la recherche médicale. Les médicaments réussissent à réduire les actes chirurgicaux et permettent d’avoir une maladie stabilisée, ce qui offre au patient une bonne qualité de vie. »
SR : « Je tiens aussi à souligner le rôle de nos infirmières notamment en hôpital de jour d’hépato-gastro. Elles sont très compétentes et nous aident beaucoup à accompagner nos patients dans le quotidien de leur maladie. »
Merci aux Dr Rajca et Giovinazzo pour leurs explications au sujet des MICI !